Skynet arrive (ou pas)

Une innovation technologique n’est pas un objet parfaitement identifiable et stable dans le temps. C’est un processus émergent étalé dans le temps. L’innovation « Internet » débute dans les années 1960 et se poursuit aujourd’hui. Il en est de même pour l’intelligence artificielle (IA) qui apparaît dans les années 1940-1960 dans le sillage de cybernétique.

Toute l’histoire humaine montre qu’on ne peut pas juger aujourd’hui de l’impact qu’aura une technologie demain car il est impossible d’en anticiper les développements. Pourtant, l’Europe a annoncé triomphalement la première loi mondiale pour encadrer l’IA après deux ans de travaux préparatoires. C’est une logique de mort qui va faire que l’Europe va étouffer dans l’œuf tout développement technologique lié à l’IA. C’est d’autant plus dommageable quand on sait déjà que les investissements dans le domaine de l’IA sont comparativement faibles en Europe par rapport aux autres grandes économies mondiales (6,6 milliards de dollars d’investissements privés en France contre 248 milliards de dollars aux Etats-Unis sur la période 2013-22, par exemple).

 

Faites une pause, c’est l’édito de Christopher Dembik !

L'édito de Christopher Dembik

Skynet arrive (ou pas)

 

Il n’est pas question de dire que l’IA ne soulève pas de problèmes en termes d’éthique, d’accessibilité, de transparence et de sécurité des données. Selon un rapport publié en février dernier par la société de cybersécurité Cyberhaven, sur 1,6 million de postes surveillés par l’entreprise sur l’outil ChatGPT (qui est librement disponible en ligne), 2,6 % des utilisateurs sont allés jusqu’à dévoiler des informations confidentielles à l’IA. Et comme on le sait, l’IA n’est pas tenue par le secret professionnel ! On imagine aisément la réaction des équipes IT dans les entreprises.

 

Remue-ménage à venir sur le marché du travail

 

L’IA va aussi entraîner des perturbations importantes sur le marché du travail. Selon la banque d’investissement américaine Goldman Sachs, les avancées récentes en IA pourraient automatiser un quart du travail effectué aux Etats-Unis et dans la zone euro (soit la perte de 300 millions d’emplois à temps plein, en théorie). Les avocats et le personnel administratif seraient les plus menacés. Seuls 7 % des travailleurs américains occupent des postes dont la moitié des tâches n’est pas susceptible d’être remplacée par l’IA.

Bref, personne ou presque ne sera épargné. La bonne nouvelle, c’est que les systèmes d’IA génératifs (dont le plus connu est ChatGPT mais il existe aussi Firefly d’Adobe pour les créatifs ou encore Midjourney pour l’image) pourraient enfin provoquer une hausse significative de la productivité en augmentant le PIB mondial de 7 % sur une décennie. Moins de travail (mais attention il faut aussi prendre en compte la pénurie de main d’œuvre liée au changement démographique !), plus de richesse à répartir…allons-nous vers un nouveau modèle de société où les loisirs et l’oisiveté auraient une place plus grande ?

 

Cela va permettre d’aller vers une semaine de travail de quatre jours

 

Le prix Nobel d’économie 2010 Chris Pissarides considère, en tout cas, que cela va permettre d’aller vers une semaine de travail de quatre jours (grand sujet en France !). De mon point de vue, il faut être prudent avec ces études prospectives. Dans un autre domaine, rappelez-vous des études au début des années 2000 avançant que le Brésil serait le nouveau géant économique et pourrait sérieusement être un nouvel eldorado pour les investisseurs. Ça s’est mal fini. Dans la réalité, il est peu probable qu’il y ait un grand remplacement des travailleurs par l’IA sur un court laps de temps (Skynet n’est pas pour demain !). C’est oublier que les entreprises sont des organisations bureaucratiques généralement peu flexibles où le changement s’opère lentement.

Il est plus probable, à court terme, que l’IA vienne assister, fluidifier, faciliter certaines tâches. Bref, que ce soit un compagnon de travail utile et efficace à condition de bien former les équipes, ce qui est un vrai défi ! Les pertes d’emplois ne surviendront que dans un second temps (comme a disparu le métier d’allumeur de réverbères avec l’arrivée de l’électricité à la fin du 20ème siècle). Mais de nouveaux emplois apparaîtront. C’est inévitable. Qui aurait pu imaginer au début des années 1990 que des métiers comme analyste en cybersécurité, administrateur de bases de données et community manager pour les réseaux sociaux puissent exister ?

 

La révolution ChatGPT

 

Il faut en revanche reconnaître que ChatGPT constitue un saut technologique majeur dans le domaine de l’IA. Les entreprises en ont bien conscience. Les entreprises en ont bien conscience, dans la finance comme ailleurs. Elles cherchent désormais à déployer l’IA à l’échelle dans leurs organisations. Il est probable que l’IA générative via les interfaces conversationnelles en langage naturel vienne faciliter les interactions et réduise le recours à des experts du codage. Plus stratégiquement encore, les modèles d’apprentissage pré-en-traînés proposés « sur étagère » par des entreprises comme OpenAI ou Stability AI réduisent significativement les barrières à l’entrée de cette nouvelle technologie.

Ainsi, en utilisant une de ces solutions, les entreprises peuvent développer, par exemple, leur application de détection automatique de défauts dans les lignes de production, à moindre coût et plus rapidement. C’est un changement majeur. A plus long terme, on peut espérer que l’IA générative devienne un moteur puissant de l’innovation dans les entreprises et donc d’accroissement des gains de productivité (comme le souligne Goldman Sachs).

 

Comment investir ?

 

L’enjeu pour l’épargnant est de pleinement capturer cette thématique d’investissement. On parle beaucoup d’IA mais où faut-il investir ? En Europe, il faut reconnaître que le champ des possibles est limité. Beaucoup de sociétés se réclament de l’IA. Mais elles peinent à monétiser leur technologie. Ce qui semble fonctionner à l’heure actuelle, c’est le développement de verticales métiers utilisant l’IA et notamment le NPL (pour Natural Language Processing – une forme d’IA qui recoupe tous les chatbots, les technologies de modérateur automatique des contenus etc.).

Pour le reste, des sociétés dans le domaine des logiciels intègrent évidemment l’IA depuis quelques années avec à la clef une amélioration de la performance et de la convivialité du produit (ce qui constitue un élément de différenciation à long terme et donc de gain financier). Certaines sociétés de services utilisent l’IA pour des tâches à faible valeur ajoutée qui sont dans les faits des chatbots conversationnels (avec plus ou moins de succès, il faut bien le reconnaître). Enfin, en ce qui concerne les entreprises de services du numérique, elles reconnaissent souvent volontiers qu’elles utilisent de manière limitée l’IA à ce stade (même si des tests sont réalisés).

 

On ira plus volontiers vers des sociétés cotées qui développent des verticales métiers

 

Jusqu’à présent, la technologie peine à remplacer un codeur « moyen » voire « mauvais ». Mais cela est amené à changer, évidemment. Le stock picking est une manière d’aborder la thématique de l’IA à condition d’avoir un minimum de connaissances dans le domaine. On ira plus volontiers vers des sociétés cotées qui développent des verticales métiers (par exemple : comment appliquer l’IA dans le domaine des ressources humaines).

Il reste également la possibilité de recourir à des fonds comme Oddo Artificial Intelligence, par exemple (ce fonds a un peu souffert ces derniers mois comme tous les fonds exposés aux valeurs tech du fait de la remontée des taux et des inquiétudes concernant l’inflation mais il reste intéressant dans une stratégie d’investissement à long terme). C’est une solution pertinente afin de mieux diversifier son exposition au secteur sans être trop exposé à une poignée de sociétés en particulier. Dans tous les cas, il est difficile aujourd’hui de rester à l’écart de cette thématique d’investissement. C’est incontournable.

 

Skynet arrive (ou pas)

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