La France va mal. Le déficit explose. Ce n’est, évidemment, la faute à personne et surtout pas à ceux qui nous ont gouverné ces dernières années. Une chose est sûre : il va falloir que chacun y mette du sien. Et si on piochait dans l’épargne des Français ?
L’idée n’est pas nouvelle. Lors d’une interview en avril dernier – avant que le déficit ne passe de 4,7% à plus de 6% du PIB – l’élue écologiste Sandrine Rousseau s’était prononcée en faveur de ce type de mesure. « La France est un pays où il y a une épargne qui nous permettrait de reprendre très bien la main sur notre dette », confiait-elle. De quoi faire crier au « vol » Marine Le Pen et certains autres élus.
Ce n’est pas un risque immédiat. Mais si la situation financière dégénère et qu’une crise financière survient, comme en 2010 au niveau européen, est-ce que les dépôts sur les Livrets A et les Livrets de développement durable et solidaire – très prisés des épargnants – ou encore l’assurance-vie pourraient être en danger ?
Français, faites attention à votre épargne !
Réponse courte : oui, mais ce ne sera pas facile.
Il y a un précédent : lors du sauvetage de Chypre, l’Union Européenne avait proposé initialement une taxe entre 6,75% et 9,9% sur tous les dépôts bancaires chypriotes, y compris pour les dépôts allant jusqu’à 100,000 euros qui sont habituellement protégés. Par la suite, cette proposition avait été fortement modulée pour cibler surtout l’argent des oligarques russes déposé sur les comptes bancaires à Chypre.
Cette solution – politiquement compliquée – reste une option en cas de force majeure. L’Europe l’a déjà suggéré, elle pourrait le faire de nouveau…
En France, un cadre légal contraignant existe. Les Codes civil et pénal, ainsi que la jurisprudence et les décisions du Conseil constitutionnel, limitent strictement la saisie de biens privés, y compris l’épargne. Même si des lois d’exception sont toujours possibles, on voit mal comment l’État pourrait en toute quiétude saisir directement l’argent des Français sur leur compte bancaire. Il faudrait s’attendre à des recours juridiques nombreux et interminables, et à des manifestations et grèves sur tout le territoire. N’oublions pas que la France est un pays doté d’une forte culture juridique et d’un goût pour le mécontentement. C’est parfois son talon d’Achille. Dans le cas présent, ça peut être une force…
Est-ce que votre épargne est pour autant à l’abri ?
Pas complètement. L’État peut faire preuve d’une grande ingéniosité pour la capter, de façon indirecte.
Il y a d’abord la fiscalité. Il suffit d’augmenter les impôts sur les revenus de l’épargne, par exemple sur les dividendes. On voit mal la France s’attaquer au Livret A. En revanche, le plan d’épargne logement (PEL) et le compte d’épargne logement pourraient voir leur fiscalité augmenter. On pourrait, par exemple, envisager une augmentation de l’imposition sur les intérêts du PEL qui sont soumis à l’impôt sur le revenu – bien que cela soit très insuffisant pour combler le déficit.
Une piste plus sérieuse concerne la flax tax à 30% qui est composée d’un prélèvement forfaitaire de 12,8% et des prélèvements sociaux de 17,2%. Dans le cadre du budget pour 2025, plusieurs amendements, qui vont être étudiés d’ici décembre, prévoient de revenir sur le dispositif actuel. En la matière, il y a deux écoles. La première propose de supprimer purement et simplement la flat tax et que tous les revenus, y compris les revenus de capitaux mobiliers, soient assujettis au barème de l’impôt sur le revenu. Cela constituerait un alourdissement significatif de la fiscalité. C’est peu probable.
Augmenter le taux de prélèvement forfaitaire de 12,8% à 15,8%
La seconde école, qui a des soutiens au sein du gouvernement, propose d’augmenter le taux de prélèvement forfaitaire de 12,8% à 15,8%. Ce n’est pas indolore – loin de là. Mais c’est plus crédible politiquement.
Quid de la rétroactivité si cette proposition venait à être retenue ? Est-ce que la nouvelle fiscalité concerne uniquement les nouveaux contrats ? Nous en doutons. L’objectif de l’État est d’obtenir des rentrées fiscales rapides donc nous supposons qu’elle serait rétroactive et s’appliquerait pour tous les contrats ouverts à partir du 27 septembre 2017 (pour ceux antérieurs, un prélèvement spécifique libératoire de 15% ou 7,5% en fonction de l’antériorité s’applique).
Des taxes exceptionnelles pour récupérer une partie de l’épargne
Le gouvernement peut aussi instaurer des taxes exceptionnelles pour récupérer une partie de l’épargne (contribution sur les plus hauts revenus). Le problème en matière fiscale, c’est qu’une taxe temporaire a souvent vocation à être permanente en France, comme ce fut le cas avec la CSG. Il peut également supprimer certaines niches fiscales ou, en dernier recours, essayer de canaliser l’épargne des Français vers les obligations d’État afin de financer son endettement.
Jusqu’à ce que les taux d’intérêt chutent fortement, les épargnants n’avaient pas besoin d’incitation pour le faire – en témoigne le succès des fonds monétaires dans l’assurance-vie. Mais ce sujet peut se poser maintenant que les taux des fonds monétaires sont comparativement bas et qu’il vaut certainement mieux placer son épargne sur les actions (en particulier américaines) afin d’avoir un rendement intéressant.
Nous doutons toutefois qu’une émission obligataire exceptionnelle de la France à taux bonifié – sorte de grand emprunt national – soit une idée pertinente et qui apporte une solution au problème de l’endettement structurel de la France. La France, même si sa situation financière se dégrade fortement, devrait toujours être en mesure de se financer sur les marchés internationaux – certainement à un taux croissant, en revanche.
Comment se protéger ?
Rappelons une évidence : il n’y a pas de solution miracle. Si l’État décide un jour de ponctionner l’épargne des Français, la probabilité qu’il y parvienne est élevée. On peut toutefois minimiser le risque – ce qui est le propre d’une stratégie d’investissement. Il y a quelques règles de bonne hygiène financière à suivre : pour son assurance-vie, privilégier un contrat luxembourgeois ; diversifier au maximum son épargne en optant pour une myriade de supports ; penser à investir dans des actifs réels comme les métaux précieux (or et argent) et l’immobilier (les entrepôts, les maisons de santé en évitant soigneusement l’immobilier de bureau etc.) ; ne pas garder plus d’argent que vous n’en avez besoin sur votre compte courant (autant le placer sur des contrats à terme ou sur des contrats d’assurance-vie !) et enfin pensez à défiscaliser en ouvrant un PER, voire une holding en fonction de votre situation financière.
En conclusion, ce qui est certain, c’est que l’état des finances publiques ne va pas s’améliorer de sitôt. Nous sommes face à plusieurs années d’efforts qui seront demandés, comme c’est systématiquement le cas, d’abord aux contribuables. Il faut donc absolument réfléchir maintenant aux meilleurs moyens de protéger son épargne … et d’optimiser sa fiscalité car elle risque de lourdement augmenter.